Mise en place et évaluation d’un protocole de remédiation multimodale et intensive de la dyslexie développementale

Face à ces constats, la thèse de Harrar-Eskinazi (2023) propose un programme de remédiation multimodal et intensif de la dyslexie fondé sur les données probantes ; et évalue son efficacité selon les principes de l’EBP. Il prend en compte l’hétérogénéité de la sémiologie de la dyslexie, en s’appuyant sur 3 types d’interventions fondées sur 3 déficits cognitifs sous-jacents fréquemment évoqués comme cause explicative de la dyslexie : phonologique, visuo-attentionnelle et intermodalitaire. Il propose d’intervenir simultanément sur les processus cognitifs et sur les processus de lecture et de transcription ; et de manière individualisée. Nous vous proposons ici un résumé de son intervention au Congrès scientifique international FNO de 2023, durant laquelle l’auteur présente les résultats de sa thèse.

Cause multifactorielle de la dyslexie : trois déficits cognitifs sous-jacents

La dyslexie développementale est un trouble neuro-développemental décrit comme la difficulté à apprendre et automatiser le décodage de mots écrits, fondé sur le développement de la conversion graphophonémique. Malgré les remédiations, la lecture reste souvent peu fluide chez la personne dyslexique, et nécessite un effort cognitif important. 

Dans la littérature scientifique, de nombreuses études montrent que la cause de la dyslexie est multifactorielle, et que ce trouble est caractérisé par plusieurs déficits neuro-cognitifs sous-jacents : il s’agit des déficits du traitement phonologique, du traitement visuo-attentionnel et de l’intégration intermodalitaire (audio-visuel). 

Déficit du traitement phonologique

Le déficit du traitement phonologique est l’une des causes principales évoquées comme étant à l’origine de la dyslexie. Il altère la capacité d’identification, de stockage, de récupération et de manipulation des phonèmes. Il peut résulter, selon les théories, d’un déficit fondamental du traitement perceptif auditif, d’un déficit du déplacement temporel et spatial de l’attention auditive ou d’un déficit d’accès aux représentations phonologiques. 

Déficit du traitement visuo-attentionnel

Une deuxième hypothèse explicative de la dyslexie très répandue est le déficit du traitement visuo-attentionnel. Il altère la capacité d’identification, de stockage, de récupération ou de manipulation des graphèmes qui composent un mot écrit. Il peut résulter, selon les théories, d’un déficit perceptif visuel, d’un déficit du déplacement temporel et spatial de l’attention visuelle, d’un déséquilibre entre les niveaux d’analyse globale ou locale, ou d’un déficit visuo-attentionnel, qui est une réduction de l’empan visuo-attentionnel. 

Déficit de l’intégration intermodalitaire

Une troisième hypothèse explicative de la dyslexie est le déficit de l’intégration intermodalitaire. Ce déficit altère la capacité d’association des graphèmes et des phonèmes : il est alors difficile "d'accrocher" le graphème et le phonème ensemble, et de créer ainsi une information audio-visuelle unique. Le développement de la conversion grapho-phonémique en serait fortement impacté. 

L’hypothèse d’une cause multifactorielle

Si les études interventionnistes autour de la dyslexie se fondent sur l’altération exclusive d’un seul déficit cognitif sous-jacent, l’étude référente postule que l’origine de la dyslexie développementale est multifactorielle, s’appuyant sur de nombreuses études existantes. Elle présuppose donc que la dyslexie résulte de plusieurs déficits cognitifs sous-jacents concomitants, évoqués plus haut : déficit du traitement phonologique, du traitement visuo-attentionnel et de l’intégration intermodalitaire. 

Ainsi, Harrar-Eskinazi et ses collègues proposent, à la différence des interventions unimodales, d’élaborer et d’évaluer un programme de remédiation multimodal de la dyslexie qui prend en compte l'hétérogénéité des déficits cognitifs sous-jacents. Le programme comporte des entraînements intensifs phonologiques, visuo-attentionnels et intermodalitaires. L’objectif…