Les compétences en mathématiques des enfants présentant un trouble développemental du langage.

La méta-analyse référente inclut 20 études qui comparent les performances d’enfants TDL avec des enfants neurotypiques, sur différentes tâches mesurant la cognition numérique et mathématique. Leurs résultats suggèrent que les tâches mathématiques à forte composante linguistique seraient moins bien réussies chez les enfants TDL que les tâches à faible composante linguistique, comparativement aux enfants neurotypiques du même âge. La méta-analyse se propose donc d’explorer plus précisément ces différences pour mieux comprendre le lien entre TDL et compétences en mathématiques, postulant qu’une meilleure compréhension de ce lien permettrait l’élaboration de meilleures méthodes d’identification et d’intervention précoce auprès d’enfants à risques ou en difficultés. Cela permettrait aussi une meilleure identification de leurs besoins, et par conséquent, une optimisation des résultats à long terme pour les enfants présentant un TDL.

Constats actuels sur les capacités mathématiques des enfants TDL

Mathématiques et langage sont particulièrement intriqués, rendant l’étude des relations entre TDL et compétences mathématiques particulièrement intéressante. En effet, selon le modèle du Triple Code qui fait consensus en orthophonie (Dehaene, 1992 ; Dehaene & Cohen, 1995), les tâches numériques sont soutenues par trois types de représentations mentales :

• - La représentation arabe ou code arabe : Il s’agit des symboles écrits représentant le nombre, comme les chiffres arabes couramment utilisés. C’est une représentation visuelle, asémantique et symbolique. 

• - La représentation verbale ou code verbal : Il s’agit des mots qui font référence aux quantités, qu’ils soient parlés (mots-nombres) ou écrits. C’est une représentation auditive, asémantique et symbolique. 

• - La représentation analogique ou code analogique : Il s’agit de la représentation du sens du nombre, de sa magnitude, de la quantité en tant que telle, indépendamment de toute représentation symbolique (par exemple, lever le pouce et l’index pour désigner une quantité, sans rien dire ni écrire). 

Ces trois représentations du nombre sont indépendantes les unes des autres, tout en étant en interaction permanente. Cette indépendance systémique permet de concevoir une tâche mathématique sollicitant spécifiquement une représentation plutôt qu’une autre. Dans le cas de l’étude du lien entre langage et mathématiques, cela permet de concevoir des tâches à forte composante linguistique, contre des tâches à plus faible composante linguistique. Ainsi, on considère que : 

• - les tâches de transcodage des nombres, de comptage, d’arithmétique et de résolution de problèmes verbaux recruteraient des efforts conséquents sur le plan verbal ; 

- a contrario, les tâches de ligne numérique mentale, de comparaison de grandeurs et les tâches conceptuelles seraient moins exigeantes sur le plan verbal.

Les apprentissages scolaires (dont font partie les mathématiques) dépendent fortement de la capacité de l’enfant à comprendre et utiliser le langage oral et écrit ; ce qui fragilise les enfants atteints d’un Trouble Développemental du Langage vis-à-vis de ces apprentissages. Plusieurs études ont démontré des liens clairs entre les difficultés langagières et les capacités en mathématiques développées plus tardivement : 

• - Une étude longitudinale a démontré que les capacités langagières à 7 ans prédisent la performance mathématique à 11 ans (Durkin, Mok & Conti-Ramsden, 2015).

• - D’autres études ont démontré que les enfants TDL ont une moins bonne performance que la population neurotypique sur des tâches numériques standardisées (plus d’un écart-type de différence ; Durkin, Mok & Conti-Ramsden, 2013) ainsi que sur des tâches mathématiques de façon plus globale (Conti-Ramsden, Knox, Botting & Simkin, 2002).

Néanmoins, s’il apparaît évident qu’il existe des liens entre difficultés en mathématiques et difficultés langagières, les causes et intrications de ces difficultés sont encore très peu claires. La méta-analyse référente a donc pour but d’identifier plus précisément la nature de ces liens, en formulant plusieurs hypothèses.

Liens potentiels entre TDL et compétences mathématiques

Grâce au modèle du Triple Code, il est possible de conjecturer les variations possibles des performances en mathématiques chez les enfants présentant un TDL. La méta-analyse met en lumière trois hypothèses explicatives du lien entre TDL et compétences mathématiques.

Une première hypothèse postule que les difficultés langagières (incluant les aspects syntaxiques et phonologiques) présentes dans le TDL généreraient des difficultés globales se manifestant dans de multiples domaines, dont les mathématiques. Cela implique…