Interview
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Entretien avec Nathalie Bedoin

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Nathalie Bedoin est Docteure en psychologie, enseignant-chercheur rattachée au CNRL, Centre de Recherche en Neurosciences de Lyon, encadrante de mémoire d’orthophonie dans les écoles de Lyon et de Paris. Elle est également formatrice. Ses domaines de recherche concernent essentiellement l’implication des processus visuo-attentionnels dans les troubles de la lecture, ainsi que les liens entre rythme et langage. Elle a publié plusieurs articles dans des revues orthophoniques dont l’ANAE et Rééducation orthophonique.

Audrey Febvrel : Vous semblez nourrir depuis de nombreuses années une passion pour la recherche, comment vous est venue cette envie, alors que vous vous destiniez plutôt à une carrière de psychologue ?


Nathalie Bedoin : Tout à fait, j’ai rédigé une thèse et je suis donc docteure en psychologie. Je me suis retrouvée dans la situation de la plupart des étudiants en fin de parcours de Master avec un choix possible entre un master professionnalisant et un master recherche. Pour des raisons de sécurité économique, j'étais vraiment partie pour avoir un titre de psychologue et probablement exercer en gériatrie et j’ai eu l’opportunité d’avoir une bourse qui m’a permis de poursuivre plutôt du côté de la recherche et la suite de mon parcours s'est décidée en un  weekend. 


Fondamentalement, j'avais très envie de m'orienter vers la recherche mais je n’osais pas et cette bourse m’a permis de faire ce fameux master recherche (DEA à l’époque). C’est sûrement une des meilleures parties de ma vie !  

Rapidement, je me suis dit que je ne m'étais pas trompée de parcours, parcours qui est devenu une passion. 


Il faut avoir de la maturité pour préserver sa vie privée face à cette passion qui peut prendre beaucoup de place mais qui est aussi source d’un réel enrichissement, notamment quand on fait de la pédagogie. Je ne vois pas aujourd'hui comment je pourrais être enseignante sans être chercheuse.  



Je vous ai personnellement rencontrée en 2010 dans le cadre de la normalisation d'un outil pour les enfants présentant un trouble spécifique du langage écrit. La thématique des troubles visuo-attentionnels dans le cadre de troubles du langage écrit faisait l’objet d’une grande partie de votre recherche à l’époque. Est-ce toujours le cas aujourd’hui ?


Oui, c'est toujours le cas. Je m'intéresse toujours aux troubles visuo-attentionnels dans la dyslexie sans exclure que la dyslexie s’explique la plupart du temps par des troubles phonologiques. Toutefois, en clinique, nous rencontrons des enfants et des adultes qui ont des déficits visuo-attentionnels extrêmement présents et qui expliquent en partie leurs difficultés persistantes d'apprentissage de la lecture ou leur lenteur en lecture.   


Depuis le début, je propose des outils destinés à aider au diagnostic de certaines difficultés visuo-attentionnelles, accompagnés d’exercices d'entraînement qui, au départ, étaient uniquement expérimentaux et en complément d'autres outils proposés par des collègues travaillant sur la même thématique dans d'autres laboratoires. Je pense en particulier à Sylviane Valdois, avec qui je suis en contact depuis le début de mes recherches dans ce domaine, et avec qui je travaille ponctuellement autour de thèses. Nous sommes d'accord sur le fait qu’elle s'intéresse à des troubles visuels attentionnels différents de ceux que je traite et que nos deux types d’outils peuvent être utilisés par les orthophonistes ou les neuropsychologues pour le diagnostic et la remédiation de manière complémentaire. On ne teste pas exactement la même chose et quelquefois le patient a un déficit révélé par les deux tests, parfois seulement avec le mien et vice-versa. Personnellement ça ne me gêne pas du tout, cela montre que nos outils sont complémentaires. 


Cette tournure d'esprit, cultivée au fil des années, est précieuse quand on peut la développer dans le monde de la recherche, où cela ne va pas de soi. Il me semble qu’avec quelques chercheurs dans notre domaine, nous avons réussi à cultiver cette complémentarité et cette cordialité dans les échanges.


Vous parliez de normalisation des tests et je tiens beaucoup à proposer des tests qui soient accompagnés de normes correctement réalisées (par tranche d’un an, ou 6 mois pour les CP, avec des groupes de 60-80 sujets par tranche d’âge, parfois plus).  


Je m’efforce d’avoir la même rigueur pour les outils de remédiation : il ne s’agit pas de proposer une remédiation basée uniquement sur une idée, une intuition et un outil informatisé. Un groupe d’enfants a été testé avant et après l'usage de l’outil que je propose, et, parallèlement, un autre groupe d'enfants a également été testé deux fois sans faire usage de cet outil-là entre les deux évaluations. Les progrès des enfants qui ont utilisé l’outil ne peuvent plus alors être considérés comme le résultat de la répétition des tests. De plus, ils sont considérés comme significatifs si des analyses statistiques exigeantes le confirment. Autant que possible, on vérifie que les progrès concernent spécifiquement le domaine déficitaire ciblé par l’outil, et un dernier post-test réalisé plus tard vérifie le maintien d’un progrès un mois après l’usage. 


Je pense qu’il est indispensable de rester à l’écoute des orthophonistes et de fournir avec chaque outil un manuel et des formations leur permettant une prise en main correcte et une bonne compréhension de l’outil afin de garantir la standardisation de la passation et de permettre aux professionnels de réaliser des interprétations précises des résultats.



Dans ce travail autour des troubles visuo-attentionnels, pourriez-vous nous partager les découvertes les plus novatrices ou qui selon vous ont le plus impacté la pratique orthophonique ?


La première chose qui me viendrait c’est le fait :


d’avoir apporté, comme quelques collègues, des arguments scientifiques et pas simplement militants, pour montrer que des troubles visuo-attentionnels peuvent, dans certains cas, provoquer à eux-seuls une dyslexie.

 

Ce n'était pas gagné il y a 20 ans car l’hypothèse dominante était celle d’une origine uniquement phonologique de la dyslexie. C’est un domaine qui m’intéresse également et sur lequel je travaille puisque je cr…

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