Interview
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Entretien avec Alice Cado, ergothérapeute, à propos du matériel pédagogique adapté

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Le matériel pédagogique adapté fait partie des préconisations à visée compensatoire dans le cadre d'un trouble du langage écrit. Cette préconisation est réalisé par un ergothérapeute qui réalise un bilan ainsi qu'un accompagnement du patient. Toutefois, il a été démontré que cette démarche était optimisée au maximum lorsque cette préconisation était orchestrée conjointement par l'ergothérapeute et l'orthophoniste. Alice Cado, ergothérapeute en libéral et en CRTLA à Lille, a participé à la mise en place de consultations conjointes ergothérapeute/s orthophonistes au CHRU de Lille. Elle nous raconte cette expérience et nous partage ses réflexions de terrain sur la mise en place du matériel pédagogique adapté.

Audrey Febvrel : Alice, tu as participé à la mise en place des consultations conjointes orthophoniste/ergothérapeute pour assurer une préconisation du Matériel Pédagogique Adapté (MPA dans la suite de l’interview : outil informatique pour les patients avec trouble du langage écrit). Peux-tu nous décrire ce projet et la population concernée ?


Alice Cado : Ce projet est né de notre volonté de mettre en place une continuité dans notre démarche diagnostique pour nos patients ayant déjà bénéficié dans nos services (centre référent diagnostic) d’un bilan pluridisciplinaire ayant conclu à un trouble du langage écrit avec nécessité de mettre en place l’outil informatique.

 Il nous semblait hasardeux de préconiser des outils lors de cette première journée d’évaluation qui est déjà lourde pour le patient, mais également de suggérer un MPA sans affiner notre préconisation. Nous avons alors souhaité mettre en place une consultation spécialisée et ciblée exclusivement sur cette question avec des essais de logiciels et des mises en situation en présence de l’ergothérapeute et de l’orthophoniste. 

La démarche consiste donc en de la préconisation, de la prise en main, de l’accompagnement pour l’intégration dans le quotidien du patient, et du réajustement si nécessaire :  il a donc été logique et légitime de revoir le patient à distance afin d’assurer la mission jusqu’au bout. Forts de cette expérience, nous avons décidé de faire une étude rétrospective à partir des données obtenues et nous avons une trentaine de patients à ce jour. 



Les nouvelles recommandations de bonne pratique concernant la prise en charge des troubles du langage écrit ont été récemment publiées (Rééducation orthophonique n°288),et il est écrit noir sur blanc que dans les modes de prise en soin, il est nécessaire d’envisager une intervention “compensatoire”. Est-ce une bonne nouvelle ou une avancée selon toi ?


C’est une bonne nouvelle, notamment pour pouvoir appuyer nos préconisations auprès des enseignants et de la MDPH. Je ne pourrais pas dire si cela améliorera le parcours de l’enfant dans l’accès à ces aides mais c’est une avancée. Après, la réalité fait que l’accès au matériel pédagogique adapté reste très inégal selon les régions et les rencontres que le patient fait lors de son parcours de soin. La prescription de séances d’ergothérapie dans le cadre de troubles du langage écrit reste encore peu démocratisée, pourtant il me semble qu'un bilan et un suivi sont indispensables à la réussite d'un projet compensatoire par un MPA.



Ne crois-tu pas que le fait que le non-remboursement des séances d’ergothérapie et les difficultés dans la mise en place de l’ordinateur en classe (nous y reviendrons) peuvent expliquer en partie ce constat ?


Il est évident que le niveau socio-culturel a un rôle dans le financement des séances. Mais parfois, ce sont les professionnels de santé qui peuvent avoir tendance à se mettre cette barrière eux-mêmes, par bienveillance bien sûr. Il faut garder en tête que les familles ont parfois des capacités étonnantes pour débloquer des choses, que des aides financières existent dans certaines villes, que durant les quelques semaines ou mois d’attente avant d’avoir un rendez-vous avec l’ergothérapeute, des fonds sont débloqués. 

Il faut aussi entendre que pour certaines familles ce ne sera pas possible mais au moins, il est de notre devoir d’informer les familles de l’existence de cette option.  Le plus important reste, à mon avis, la communication avec le patient et sa famille et la transparence. Dans une démarche  EBP, la mise en place du MPA fait partie intégrante de la décision partagée avec le patient : l’informer de ce qui existe et réfléchir ensemble à l'intérêt et la possibilité de sa mise en place est presque quelque chose d’éthique. Je travaille avec certaines familles en situation de précarité et pourtant, elles arrivent dans mon cabinet et nous travaillons ensemble.  

Il faut être clair avec les familles et leur dire que le matériel pédagogique adapté, ce n’est pas magique et que peut-être qu’à l’issue du bilan ergothérapique il n’y aura pas de logiciel parfaitement aidant à leur préconiser, que cela nécessite un réel investissement de l’enfant et de ses aidants au quotidien dans les premiers temps. Information et décision partagée nécessitent de fournir une information complète et transparente. 

Après, lorsque l’orthophoniste est formé ou sensibilisé aux logiciels cela peut orienter la décision de soin et parfois, en effet, éviter de proposer cette option lorsqu’il sent que le pronostic de réussite est particulièrement défavorable.  



Mais alors, pour quels types de patients peut-on ou doit-on préconiser l'outil informatique ? Ceux dont le trouble du langage écrit est le plus sévère ? Ceux avec un trouble du langage oral ? Ceux sans TDAH ?


Avec le recul que je peux avoir sur ma pratique, je pense qu’en présence d’un trouble du langage oral sur le plan réceptif : le projet d'intégration de l’outil informatique a moins de chance de fonctionner et c’est l'aide humaine (AVS) qui reste la plus utile.

 Lorsque le trouble est sur le versant expressif :  je ne m’y connais pas assez pour me prononcer mais je gagnerai nettement à creuser cette question et j’ai sûrement commis des erreurs dans mes préconisations. Ce que je peux dire c’est que l 'enfant doit être capable de mettre en forme ses idées à l’oral comme à l’écrit. Lorsque l'organisation des idées peine à l’oral, les pauses, les latences, les erreurs rendent moins performant l’usage d’une dictée vocale par exemple, surtout si des difficultés d’élocution sont présentes.

On a longtemps cru, naïvement, que l’usage d’une aide à la transcription  (dictée vocale, correcteurs, prédicteurs) les soulageant de la charge graphique, alors les patients auraient plus de ressources allouées à l'expression de leurs idées. Mon expérience me montre que ce n’est pas le cas. Si l’enfant peine à organiser son discours, aucun logiciel ne viendra pallier cette difficulté. De même, certains enfants, sans trouble avéré du l…

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